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Gabor Osz

Gábor Ősz
Three by Three
07.04.2013 > 16.06.2013

Au cœur du travail discret et raffiné de Gábor Ősz, une série d’études sur l’(l’in?)aptitude des images à saisir, à révéler la réalité. Les concepts de temps, d’espace et de mouvement sont les pierres angulaires de sa recherche.

Au cours de la dernière décennie, Gábor Ősz a mené plusieurs expérimentations analytiques qui revi- ennent sur l’essence de la photographie analogique et sur l’ontologie de l’image filmique, et font surgir des interrogations : qu’est-ce qui définit le caractère réaliste de l’image? Qu’est-ce qui constitue l’image? Comment l’image statique s’articule-t-elle à la réalité en mouvement? Dans une grande partie de ses travaux, il pose la question du moment effectif de l’avènement de l’image, s’interroge sur la manière avec laquelle celle-ci émerge du flux continu de la réalité pour acquérir un statut spécifique. De toutes ces expérimentations, Ősz a extrait neuf projets répartis en trois groupes de trois (d’où le nom de l’exposition). Dans Three by Three donc, la série complète de photographies et de films reflétant les investigations de l’artiste autour de la question de l’image est présentée, pour la première fois, dans son intégralité dans une exposition.

La première phase de la recherche d’Ősz s’est intéressée à la capacité de l’image à rendre visible notre perception du monde extérieur, prenant pour point de départ la relation entre l’observateur et son environ- nement. Fasciné par l’architecture du Troisième Reich, Gábor Ősz en est arrivé à la conclusion qu’un bâti- ment se définit bien plus par le regard porté vers l’extérieur depuis l’intérieur que l’inverse. Pour que cette dimension soit prise en compte dans notre compréhension de l’architecture, il a eu l’idée d’utiliser les espaces intérieurs comme des chambres obscures, procédé auquel il a donné le nom de Camera Architectura. En l’appliquant, il a obtenu des clichés uniques qui, grâce à des temps de pose longs, transforment le paysage en images atmosphériques et atemporelles. Dans cette série de projets, plusieurs lieux sont ainsi délestés de leur passé historique pour devenir des instruments d’analyse du processus de formation de l’image. Neutralisés de la sorte, ils acquièrent un caractère abstrait.

La série The Liquid Horizon (1999-2002) est le fruit des recherches de cette phase ; six œuvres de cette série sont visibles dans PAKHUIS +2. Il s’agit de clichés pris depuis l’intérieur de bunkers construits pendant la Seconde Guerre Mondiale et surplombant le mur de l’Atlantique. Dans la pièce attenante et dans les espaces du PAKHUIS +1 et du BUREAU sont exposées six œuvres tirées de Prora Project (2002). Ce projet s’est penché sur le KDF-Seebad, complexe touristique non achevé construit sur l’île de Rügen dans la mer baltique, projet nazi mégalomaniaque destiné à offrir à tous les travailleurs la même vue sur la mer. En se servant des corridors interminables comme d’une source lumineuse et en y plaçant une chambre obscure mobile balayant les chambres les unes après les autres, Ősz a obtenu des clichés uniques sur lesquels les images se superposent. Das Fenster (2012-2013), qui prend comme point de départ la fenêtre panoramique de l’ancien bureau d’Hitler dans sa retraite de Berghof, forme le dernier volet de ce regrou- pement d’œuvres. Ce travail, présenté dans la GALERIE et la GRANDE SALLE, réunit des photographies, deux films 16mm et une projection monumentale, son point focal. L’artiste y établit un lien entre l’architecture de la fenêtre, la vue grandiose du paysage alpin et l’esprit machiavélique à l’origine du régime. Il interroge notre réaction face à l’image et la manière avec laquelle cette compréhension éclaire la relation complexe entre le pourquoi, le comment et l’objet de l’observation. Il se sert du ratio d’aspect – c’est-à-dire du rap- port constant entre longueur et largeur – de cette fenêtre disproportionnée pour reconstituer une image mouvante de la vue panoramique au format cinémascope, immense (4 × 8m), fidèle à sa taille originale. Celle-ci est quadrillée, comme une mosaïque composée de vidéos analogiques indépendantes de dif- férents formats.

Un second regroupement de trois projets en dialogue les uns avec les autres s’intéresse aux caractéristi- ques problématiques de la photographie, telles que les illusions d’optique, qui mettent en doute la véracité photographique et sa crédibilité en tant que vecteur d’informations. Ce travail joue sur le procédé positif- négatif de la photographie analogique. Dans la PETITE SALLE se trouve le diptyque The Colours of Black-and- White (2009), dont les deux parties entretiennent une relation de complémentarité logique : l’une est une interprétation de l’autre. Parallèlement à ce travail photographique, Ösz a réalisé dans son atelier un film dont la mise en scène est similaire, From Pigment to Light (2009). Cette projection HD, montrée dans la galerie, rend compte d’une recherche en cours sur les effets troublants que produit la photographie si l’on inverse les pigments lumineux et sombres. Cette investigation est également centrale dans Blow-Up (2010), référence directe au film éponyme d’Antonioni, qui contient lui aussi des images dupliquées. Nous assistons ici à une tentative de pénétrer l’essence de l’image, d’accéder à une inévitable invisibilité.

Que se passe-t-il lorsque l’on manipule l’identité d’une image ? Dans sa troisième et plus récente phase de recherche, Gábor Ősz met en scène la nature autoréférentielle des images filmiques, donne à voir la manière dont elles s’engendrent les unes les autres. Ontology (2010) et Tautology (2012), qui se chevauchent dans la GALERIE, en sont le résultat : ces deux copies d’un même film sont projetées l’une au-dessus de l’autre alors que l’image de l’artiste apparaît sur l’écran blanc de projection. L’image se vide de son contenu, mais pas de son sens : elle représente, potentiellement, toutes les images existantes. Elle pour- rait être le début de tout, comme le début de rien. Le début de tout ce qui est déjà là, mais qui n’est pas encore visible. Le champ de projection vide dans l’espace est filmé, et ce filmage projeté est filmé de nouveau. En répétant ce mouvement plusieurs fois jusqu’à ce que la caméra zoome finalement sur la toute première prise de l’écran vide, l’artiste dévoile un peu plus l’ADN complexe de l’image. Un travail pas encore achevé, Phenomenology, est lui aussi intégré à ce regroupement d’œuvres : il s’agit de collages digitales présentés dans le MUSEE au premier étage, qui permettent une compréhension plus éclairée du mécanisme de cette expérimentation.