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Let me google that for you

Miks Mitrēvics + Kristīne Kursiša

MIKS MITRĒVICS + KRISTīNE KURSIŠA
Let me google that for you
18.01.2014 > 09.03.2014

Cette exposition reprend le titre d’une collaboration de long terme entre les artistes lettons Miks Mitrēvics (né en 1980) et Kristīne Kursiša (née en 1979) qui, depuis 2003, travaillent ensemble de manière occasionnelle. Le noyau de ce projet est un journal personnel compilant observations quotidiennes, clichés, notes et commentaires récoltés dans plusieurs villes, à des moments différents et dans des circonstances variées. L’instillation de fragments de vie personnelle quotidienne dans les voyages de recherche de ces artistes a progressivement réalisé une synthèse créative entre sphère privée et espace artistique.

Extraits du livre de Miks Mitrēvics & Kristīne Kursiša, Seven Thursdays. A Dialogue for Two, 2014.

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15 days of silence.
Fitjar, 29.07-12.08.2012
2014

KK:
Parle-moi un peu plus du projet…

MM:
Deux artistes norvégiens qui organisaient un projet indépendant à Fitjar, en Norvège, m’ont contacté. Le projet se déroulait sur un groupe de petites îles dans la mer. Chaque artiste avait sa propre île pour s’exprimer. Il y avait 16 îles, et 16 artistes. Nous avions les îles pour deux semaines, sauf le dernier weekend où elles étaient accessibles au public grâce à des bateaux et à des guides. C’était ma deuxième année en Belgique, et je m’étais installé dans une routine consistant à aller aux fêtes organisées par HISK, à assister à un nombre incalculable de conférences et à passer le plus clair de mon temps à discuter. Le projet m’est naturellement apparu comme l’occasion de mettre toutes ces discussions en pause. J’ai donc écrit le manifeste, déménagé sur l’île et arrêté de parler pendant 15 jours.
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Manifest.
Fitjar, 28.07.2012.
2012

KK:
Est-ce que tu pourrais nous lire ce manifeste ?

MM:
15 jours de silence.
15 jours, la chose la plus précieuse que je puisse faire, c’est le silence.
15 jours, j’éteins mon ordinateur et mon téléphone.
15 jours, je vis seule avec la nature.
15 jours, j’oublie mon rythme journalier.
15 jours, je me lève avec le soleil.
15 jours, je lis sept livres.
15 jours, je cuisine et lave mes vêtements moi-même.
15 jours, je fais un signe de la main à tous les bateaux qui passent.
15 jours, je fais mes propres erreurs.
15 jours, je vais nager une fois par jour.
15 jours, je respecte le mot écrit et je ne le gaspille pas.
15 jours, je me concentre sur le présent, oublie le passé et le futur.
15 jours, je vais me coucher quand le soleil décline.
15 jours, je porte des vêtements chauds les nuits froides.
15 jours, je note tout sans trop y penser.
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Круг чтения (The circle of reading / Le cercle de lecture)
Aalst, 17.01.2014.
2012-2014

L’œuvre a émergé pendant les 15 jours où je me suis installé sur une petite île déserte de Norvège. J’ai décidé de passer tout ce temps dans le silence complet. Je n’avais rien, excepté l’essentiel et 7 livres que j’ai apportés avec moi. Je me suis construit un abri, et j’ai commencé le cycle de lecture. J’ai lu chaque jour et pris des notes – en écrivant les idées les plus importantes. Ensuite, pour minimiser la distance avec moi-même, j’ai décidé de combiner la lecture à une activité physique. C’est comme ça que “Le Cercle de lecture” a commencé (“Круг чтения” est emprunté au livre éponyme de Lev Tolstoy, MM). Pendant plusieurs heures par jour, sur la ligne de côte – l’endroit où la mer rencontre la roche – j’ai pris des notes en écrivant à même la paroi rocheuse. Cercle après cercle, l’écriture entourait l’île, mais à cause des vagues qui se brisaient contre les rochers, elle s’effaçait rapidement, laissant la place à de nouvelles inscriptions.

KK:
A Circle of Readings, Riga, 06.12.2012, , était en fait une continuation de ce manifeste. C’est devenu une nouvelle tâche pour toi, une sorte de résolution à pratiquer chaque jour. Dans la description de l’œuvre tu dis que tu as commencé ce rituel pour te détourner de toi-même. Comment le silence et le fait de rester seul t’ont-ils influencé?

MM:
Le silence est une part biologique de moi-même et une nécessité à la fois, je me sens vraiment bien dans cet état. Sur l’île, ça a créé une impulsion vers d’autres formes d’expression. J’écoutais beaucoup, et étais très ouvert à ce qui se passait, je ne peux pas me souvenir d’un autre moment où j’ai passé tant de temps à lire des livres et à écrire des lettres. Il y a une tendance à être pris dans une boucle intérieure quand on est seul. Les livres que j’ai emmenés avec moi m’ont aidé à organiser ma vie quotidienne et mon espace d’information. Les livres étaient pour moi une manière d’élargir mon cercle de réflexion et de garder une distance salutaire par rapport à moi-même. Le temps passé en silence passe différemment, il est monolithique et ne connaît pas d’interruptions. A la fin de chaque jour passé dans le silence j’ai dessiné une barre au-dessus de ma porte. Aussi bizarre que cela puisse paraître maintenant, c’était réellement une manière de compter les jours de silence et de les séparer les uns des autres.

KK:
A Circle of Readings, Riga, 06.12.2012, t’a donné la possibilité à la fois de lire et d’écrire un synopsis sans fin pendant que tu étais sur l’île. Quels sont les livres que tu avais apportés ? Quels sont ceux vers lesquels ton bras s’est tendu tous les jours, quels sont ceux qui sont restés sur l’étagère, et pourquoi ?

MM:
J’avais 7 livres avec moi : deux volumes des Pensées des hommes sages pour tous les jours de Léon Tolstoï ; l’Oxford Advanced Learner’s Dictionary ; les Epiphanies d’Imants Ziedonis ; Tokyo-Montana Express de Richard Brautigan ; 104 Stories de Thomas Bernhard ; Sur le chemin des glaces de Werner Herzog ; et Faserland de Christian Kracht. Au début j’ai essayé de les lire simultanément, un extrait de livre à chaque fois. Mais après un certain temps, j’ai lu les livres en entier, de la première à la dernière page. Les livres d’Herzog et de Brautigan étaient très inspirants, m’apportaient une lumière quotidienne et des remarques fondamentales. Les Pensées des hommes sages pour tous les jours de Tolstoï étaient un matériau dense, nécessitant un rationnement considérable pour éviter de ne pas s’enfoncer dans la mélancolie. C’est un livre très précieux, mais qui, comme l’Oxford Advanced Learner’s Dictionary, ne convient qu’à une lecture fragmentaire. J’aime beaucoup les Epiphanies de Ziedonis, mes elles me sont malgré tout apparues trop romantiques pour la situation. Le seul livre que j’ai laissé fermé, ça a été le Faserland de Kracht, qui a manqué juste une journée de plus de silence. Jusque-là, tous ces livres n’existaient que dans le contexte de mon étagère, victimes d’un manque chronique de temps malgré un très ancien désir de les lire.

KK:
Comment la communauté locale a-t-elle réagi à ta décision de t’installer temporairement sur l’île ?

MM:
Au départ il y a eu une grande confusion à propos de ma présence sur ce rocher au milieu de la mer, que mon silence. rendait d’autant plus embarrassante. Le petit abri que j’ai construit aurait pu être emporté à la mer à la moindre tempête. Mais heureusement, les tempêtes sont moins fréquentes et plus calmes pendant l’été, et ne sont jamais survenues en fait. L’intérêt des locaux était manifeste, et mon silence n’a pas été un obstacle à la communication qui, à certains moments, a eu lieu avec des gens qui me parlaient depuis un bateau, et auxquels je répondais en écrivant sur la falaise. C’était très beau quand un jour une mère et sa fille en canoë se sont arrêtées et m’ont laissé des fraises fraîches. J’ai écrit merci !

KK:
Les îles telles que celle sur laquelle tu étais servent de pâturage aux moutons. Ton île était habitée par deux moutons, une mère et son fils. Tu as essayé de minimiser le contact avec eux pour éviter de t’attacher. Après tout, tu avais des choses plus importantes à faire. Mais contrairement à toi, les moutons n’étaient pas contraints par de telles résolutions et se sont avérés très curieux. Ils ont suivi chacun de tes pas.

MM:
C’est vrai, il y a un cheptel de moutons d’une race nordique sauvage élevés par des fermiers locaux. Ces moutons sont résistants au climat rude et capables de survivre sur cette île rocheuse en mangeant seulement de la mousse. La plupart du temps, il sont en liberté et une fois par an ils sont tondus. Au départ ils avaient peur de moi et j’avais peur d’eux. Mais au fil du temps, ils ont commencé à me suivre et à se mettre sous mon abri pendant les orages. Puis nous nous sommes pleinement acceptés et même suivis dans toute l’île.

KK:
Je n’oublierai jamais le coup de téléphone du 13 août 2012 à 1h01 du matin. J’étais en train d’essayer de dormir quand le téléphone a sonné, j’ai entendu le silence à l’autre bout. Ton quinzième jour de silence était terminé, tu as donc appelé juste après minuit mais tu n’as pas pu parler. Récemment, tu m’as dit que tu avais eu une crise de paranoïa sur l’île liée à la crainte de ne plus pouvoir parler.

MM:
Après sept jours j’ai commencé à penser que je pouvais avoir une atrophie des cordes vocales et que je pourrais ne plus jamais être capable de parler. Je me souviens que c’est la seule fois où j’ai émis un bruit sourd pour être sûre que j’étais toujours capable de le faire.

KK:
Es-tu arrivé à réaliser chaque point de ton manifeste ? Que t’a apporté cette expérience, quelles conclusions et quelles révélations en tires-tu ?

MM:
Je ne l’ai pas analysée, mais en fait je crois que oui. En fait, avant même le début du projet je savais que tu n’as pas besoin d’aller sur une île pour changer quelque chose, la simple détermination peut le faire. Renoncer et laisser quelque chose signifie souvent l’opposé – gagner de l’espace et du temps pour quelque chose de nouveau.

KK:
Tu aurais pu choisir de décrire, de documenter le Cercle de Lectures – le rituel que tu réalisais chaque jour sur l’île. A la place, tu as choisi de répéter l’expérience dans le cadre de Seven Thursdays, un choix évidemment bien plus difficile.

MM:
Ce fut le résultat de nos conversations. Nous avons décidé de réitérer Un Cercle de Lectures comme performance utilisant les crochets des grimpeurs. En escaladant les murs de l’espace d’exposition, j’ai écrit les mêmes synopsis que ceux que j’ai écrits l’un après l’autre sur les côtes rocheuses de l’île. En faisant cela sur l’île, j’ai adoré le mélange provoqué par cette expérience : en même temps que tes pensées vagabondent autour de l’écriture sur la paroi, tu dois essayer de garder l’équilibre physique sur la ligne raide de la côte et éviter de tomber dans l’eau. Je me souviens que la répétition de ces textes s’est associée à l’exercice physique et a provoqué, après un certain temps, un état spécifique de transe et d’euphorie. C’est la raison pour laquelle la répétition de l’écriture sur des murs verticaux dans la galerie est devenue une continuation logique de cet exercice à la fois physique et mental.
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PANTONE 7402 – Electric light.
Riga, 10.12.2012.
2012

Color works

KK:
Si je me souviens bien, tout ça a commencé avec l’épais brouillard que nous avons eu en allant à Kalnciems, à l’été 2012. Tu as arrêté la voiture et littéralement plongé dans les entrailles de la prairie. Après quoi tu as eu l’idée de te concentrer sur la fixation de la couleur de telle ou telle observation, et tu as acheté un nuancier que depuis tu transportes avec toi à chaque voyage. 2012. Tu as arrêté la voiture et littéralement plongé dans les entrailles de la prairie. Après quoi tu as eu l’idée de te concentrer sur la fixation de la couleur de telle ou telle observation, et tu as acheté un nuancier que depuis tu transportes avec toi à chaque voyage.

MM:
Pour être honnête, je ne me souviens pas de cet événement de manière aussi claire, mais c’est intéressant que toi, oui. C’est vrai qu’à un certain moment j’ai commencé à utiliser les nuanciers Pantone comme une sorte de journal où la couleur observée quelque part servait de rappel d’une certaine chose ou d’une certaine expérience. En ce moment, nous sommes en train de travailler sur une expo dans laquelle, parmi d’autres œuvres, nous allons inclure neuf couleurs évoquant certains évènements des deux dernières années.

KK:
La première fois que tu as utilisé ces échantillons de couleurs, c’était pendant ton séjour sur l’île de Fitjar. Une fois revenu, tu avais accumulé une petite collection de couleurs, chacune d’elle portant une trace du temps passé sur l’île. L’une d’entre elles est PANTONE 5803 – Ginger Tea. Fitjar, 07.08.2012. En regardant cette pièce, j’essaie toujours d’imaginer comment ça s’est réellement passé. Est-ce que tu as eu peur ? Un lien au monde extérieur pratiquement inexistant, une boîte aux lettres flottant sur l’eau et un téléphone démonté au cas où quelque chose d’extraordinaire arriverait.

MM:
Les habitants m’avaient prévenu depuis longtemps que je prenais de grands risques en construisant mon petit abri sur cette île, à cause des fortes tempêtes. Quand j’ai vu une tempête approcher, j’ai entouré mon abri de constrictors que j’ai soutenus avec des tuteurs. Cela n’a pas empêché l’abri de s’agiter pendant la tempête. J’ai seulement essayé de rester calme, j’ai fait du thé et choisi la couleur Pantone appropriée. Lorsque je me suis endormi, tout ce que j’avais laissé était l’espoir du meilleur.
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Miks, Kristine, Andrei and Larisa.
San Gregorio, 28.09.2011.
2011

Tempo di Viaggio

KK:
Tempo di Viaggio. San Gregorio Da Sassola, 28.09.2011. fut un voyage suivant un itinéraire d’intérêts personnels. Nous voulions trouver l’endroit où avait été tourné Nostalghia, le film d’Andreï Tarkovski, et le voir de nos propres yeux. Plus tard, après avoir lu son journal, nous avons ajouté à l’itinéraire des endroits où il avait vécu ou voyagé en Italie. Nous avons trouvé quelques-unes des vieilles photos que j’avais un jour achetées chez un antiquaire de la rue Kr. Barona, avec des vues de plusieurs îles italiennes. Il y avait beaucoup de choses que nous cherchions sans raison particulière, juste pour nous-mêmes. Systématiquement, les impressions de ce voyage ont servi de base à toute la série d’œuvres. Est-ce que tu peux me dire ce que toi tu as trouvé personnellement important dans ce voyage ?

MM:
Nous avons pris les billets pour Rome. Là-bas, nous avons loué une voiture, et acquis de cette façon une grande liberté pour nos déplacements. J’avais imprimé sur une feuille A4 un plan Google Maps et noté les endroits où nous avions des chances de trouver les lieux visibles sur les photos et mentionnés dans le journal. Dans un sens, nous faisions l’archéologie de ce livre. Chaque matin après le petit-déjeuner nous dessinions un itinéraire des endroits où nous rendre. D’une certaine façon, nous comptions sur la situation en espérant qu’elle nous conduise à ce que nous devions voir. Ça a semblé incroyable d’arriver sur les ruines de l’église où la dernière scène de Nostalghia a été tournée, particulièrement parce que le film, à un moment donné, nous a énormément inspirés. Je viens juste de trouver une note du 30 septembre 2011, écrite pendant ce voyage près de Naples :

‘Nourriture 10
Glaces 5
Parking 6
Sandwich 4
Film photo 3
Camping 23’

KK:
Parmi les lieux que nous avons trouvés, lequel t’a laissé la plus forte impression ?

MM:
Je pense que c’est l’endroit que Tarkovski a dessiné dans son journal les derniers jours de sa vie avec cette remarque : ‘une maison que je ne verrai jamais’. C’était sa propre maison, qu’il n’a jamais réussi à finir. C’est l’endroit que nous avons mis le plus de temps à trouver. Tout ce que nous savions, c’est qu’elle était située dans une ville nommée San Gregorio Da Sassola. Nous avions seulement une photo d’Andreï et de Larisa* debout devant la maison. Après avoir tourné pendant un bon bout de temps et interrogé les habitants qui ne parlaient pas anglais, nous avons fini par rencontrer un garçon de 15 ans qui connaissait l’endroit. C’était dans un parc clôturé de tous côtés. Au bout d’un moment, il nous a emmenées au portail où la vue familière s’est offerte à nous : une allée d’arbres conduisant à une petite maison maçonnée, au toit carrelé. Ce jour-là, les branches des arbres devaient être coupées, le portail était donc ouvert. Après la mort d’Andreï, Larisa a vendu la maison et nous avons rencontré la femme qui l’a achetée.
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The tree of Jonas and George.
New York, 07.05.2012.
2012

Pomelo Leaf. New York, 01.05.2012. and The Tree of Jonas and George. New York, 07.05.2012.

KK:
Les deux œuvres sont dédiées à des arbres qui, à des moments et dans des circonstances différentes, ont été plantés par des grandes figures d’une époque. Les deux ont été plantés à New York. Nous étions à New York en avril et mai 2012 et tu t’es mis à les chercher. S’il-te-plaît, raconte l’histoire !

MM:
En allant à New York, je me suis souvenu de deux histoires que j’avais entendues. La première était celle de deux arbres illégalement plantés par Jonas Mekas et George Maciunas au 80 Wooster Street, aux débuts de Fluxus. Ça s’est passé dans le Soho alors industriel progressivement occupé par les artistes dans les années 60. George Maciunas a pris deux arbres condamnés à l’extermination à cause d’une construction quelconque et les a plantés sur le trottoir juste à côté de chez lui. Le jour suivant, deux policiers sont venus lui demander de déplacer ces arbres plantés illégalement. Mekas a réveillé Maciunas et transmis le message. Maciunas a répondu que les policiers pouvaient déplacer eux-mêmes les arbres s’ils le voulaient. Armé de son appareil photo Bolex Mekas est retourné voir les policiers pour le leur dire. Après un moment, ceux-ci sont partis et ne sont jamais revenus. La deuxième histoire est celle d’un chêne planté sur la 22e rue par la Dia Art Foundation – un prolongement du projet de Joseph Beuy, 7000 Chênes. Pendant la Documenta 7 de Kassel en 1982, Beuys a eu l’idée de planter 7000 arbres accompagnés d’une stèle en basalte. Le concept de Beuys était de créer une sculpture symbolique, sociale et auto-transformante, dans laquelle la stèle de basalte resterait inchangée alors que l’arbre grandirait.

KK:
Comment ces deux histoires se sont-elles matérialisées dans tes œuvres ? Une feuille pomelo qui a poussé du chêne de Beuys ?

MM:
J’ai conservé les feuilles des deux arbres dans un herbier. J’ai encadré les feuilles des arbres de Jonas et de George avec des photos du lieu. Quant aux feuilles du chêne de Joseph Beuys, je les ai utilisées dans une histoire que j’ai composée à propos d’un passant transportant un pomelo dans un panier. L’idée de ces deux pièces a émergé lorsque je me suis remémoré les moments de longue observation de ces arbres dans la rue. Les voitures, les chiens, les gens, tout fuit et change, et nous seuls imposons un sens aux choses.

KK:
Récemment, nous avons découvert que les arbres plantés par Jonas et George avaient été coupés.

MM:
Oui, récemment. J’ai trouvé la documentation de la fin de l’histoire en cherchant le récit original de Jonas Mekas. L’herbier que j’ai réalisé n’est donc aujourd’hui qu’un témoin de ces arbres existant seulement dans les histoires et les mémoires
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Belt.
Brussels, 08.06.2012.
2012

Belt. Brussels, 08.06.2012. and Lemur. Riga, 22.07.012.

KK:
L’œuvre Belt. Brussels, 08.06.2012. avait une contrepartie dans ta vieille archive ‘Inspire’, composée de photos amusantes et inspirantes de 2007 ou 2006, ou même d’avant. Après un certain temps, tu es rentré dans une pièce identique.

MM:
Oui, j’ai finalement rencontré le serpent.

KK:
Ha, ha.

   
 
*Larisa Tarkovskaya, la femme d’Andreï Tarkovski.