Heribert Friedl

Depuis l’aube de la modernité, nous, Occidentaux, faisons primer la vue sur les autres sens. En dépit des expériences synesthésiques et multi-sensorielles menées dans beaucoup de mouvements artistiques tout au long du XXe siècle – tels que le symbolisme et le futurisme – la suprématie visuelle n’a cessé de guider la façon dont notre histoire de l’art a été écrite. Aujourd’hui encore, l’expérience non-visuelle de l’art est marginalisée autant dans le monde académique que dans le monde institutionnel. Un visiteur d’exposition est d’emblée qualifié de « regardeur », et lui-même s’attend à observer ce qui se trouvera dans l’espace. Même un spectateur de concert se définit comme quelqu’un qui va « voir » quelque chose. La perception humaine est pourtant le produit d’un mélange de signaux sensoriels qui, collectivement, prêtent du sens au flux continuel d’informations qui nous vient du monde. Nous ne faisons pas que scruter l’architecture des espaces dans lesquels nous entrons ; les odeurs, le son de nos pas, le contact tactile que nous avons avec le sol participent de notre expérience des lieux. Grâce aux outils analogiques et numériques de reproduction du son, notre ouïe fait l’objet d’une attention croissante. Notre sens olfactif, en revanche, continue à être malaimé, sous sollicité par l’art contemporain. Dans I am not here, but you know it’s me!, ces habitudes sont radicalement déjouées. C’est une exposition concentrée, minimale qui nous est proposée ici, avec, en son cœur, une installation sonore sur-mesure. L’artiste Heribert Friedl a trouvé l’inspiration dans l’atmosphère post-industrielle de l’espace d’exposition, et dans l’exposition de groupe Orkest! qui se tient en parallèle, où l’interférence entre plusieurs œuvres sonores stimule une expérience non-visuelle complexe. Travaillant en solo, Friedl a ajouté sa note personnelle à cette exposition de groupe, note qui a pour effet de mettre en ébullition les « moteurs » restants de notre imagination.

Heribert Friedl (né en 1969) vit et travaille à Vienne, où il a étudié la sculpture à l’Université des Arts Appliqués. Sa pratique artistique se développe autour du concept d’« objets non visuels ». Dès 1998, il s’engage dans la création sonore. En sus de compositions numériques, il expérimente le field recording, et explore les possibilités soniques offertes par le cymbalum (dulcimer hongrois). Il a travaillé seul et en collaboration avec d’autres artistes du son, dont John Norman (Radian) et Bernhard Günter (une figure estimée de la musique minimale). Friedl a sorti un grand nombre de titres et d’albums chez des labels underground respectés, tels que trente oiseaux, and/OAR et Room 40, avant de lancer avec Raphael Moser son propre label, nonvisualobjects, en 2005. Ces cinq dernières années, ses centres d’intérêt principaux se sont déplacés sur le développement d’installations olfactives très poussées.
Pendant l’événement d’ouverture, Heribert Friedl donnera une performance sonore dans les chevrons du Pakhuis de Netwerk, qu’il adaptera à ce contexte unique. L’esthétique de son œuvre sonore est minimale ; elle se caractérise par une palette tempérée et des mouvements à peine perceptibles. Dans cette forme purifiée, réduites à une modeste essence, ses créations semblent très simples. Elles sont pourtant extrêmement subtiles ; chaque son, élémentaire, est lourd de sens et porte sur lui la responsabilité de l’ensemble.

Pendant l’événement d’ouverture, Heribert Friedl donnera une performance sonore dans les chevrons du Pakhuis de Netwerk, qu’il adaptera à ce contexte unique. L’esthétique de son œuvre sonore est minimale ; elle se caractérise par une palette tempérée et des mouvements à peine perceptibles. Dans cette forme purifiée, réduites à une modeste essence, ses créations semblent très simples. Elles sont pourtant extrêmement subtiles ; chaque son, élémentaire, est lourd de sens et porte sur lui la responsabilité de l’ensemble.

L’oeuvre I am not here, but you know it’s me!, qui se trouve sur le mûr, est activé en le carressant.