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Texte d'exposition

Tine Guns

To Each His Own Mask

« (…) dès l’origine, la fonction de l’arme et celle de l’œil se sont confondues dans la visée (…). »
— Paul Virilio dans Guerre et Cinéma

En préambule de l’achèvement de son projet cinématographique To Each His Own Mask, l’artiste Tine Guns (°1983) présente à Netwerk Pakhuis une installation stratifiée à travers laquelle transparaissent les lignes de force de sa nouvelle œuvre qui s’articule autour de la perception d’images. Sur le plan thématique, le point de mire se focalise sur la dualité inquiétante du masque en tant que stratégie de protestation dans notre société actuelle en mutation rapide. Dans sa pratique artistique, Guns utilise systématiquement la formule de l’exposition comme structure situationnelle ou « espace-temps » dans lequel elle crée un contexte pour un jeu de perception d’images provenant de la mémoire collective. La réappropriation perpétuelle de ses propres images joue chaque fois un rôle significatif dans cette démarche.

Les premiers écrans de l’installation font office de voile à travers lequel les associations se masquent les unes les autres. On peut aborder l’œuvre en tant qu’observateur, à distance, ou prendre position entre les écrans. Chaque spectateur définit sa propre construction narrative. Dans cette constellation de projections, l’artiste explore des phénomènes sociétaux contemporains, comme les actions de contestation transgressives des mouvements Occupy, et les jauge de manière critique à l’aune du masque et du carnaval. Cet événement satirique annuel, universellement connu, se caractérise, indépendamment de ses différentes manifestations régionales, par un rituel d’inversion dans lequel une communauté délègue provisoirement le pouvoir local à la souveraineté de la dérision. Les normes et valeurs de rigueur sont temporairement suspendues. Pendant le carnaval, la population, protégée par l’anonymat du masque, peut afficher de la désobéissance civile. Cette pratique remonte à un passé dans lequel les protestations furent une donnée plutôt locale, liée à des problèmes locaux. Dans l’esprit du temps actuel, avec ses systèmes économiques défaillants et ses crises mondialisées, la contestation politique et sociale prend une dimension de plus en plus « glocale ». Des problèmes analogues deviennent des facteurs de liens interrégionaux. Il est d’ailleurs frappant de constater le caractère toujours plus carnavalesque de ce type de manifestations, dans lesquelles le masque domine l’image. Une personne peut être vaincue, tuée ou corrompue, mais un idéal ou une idée est plus difficile à éradiquer. L’identité anonyme conférée par le masque permet à l’individu de représenter une idée. Et dès lors que ce phénomène adopte une dimension collective, le peuple se métamorphose en un corps grotesque qui lève le poing en signe de détermination à démanteler les régimes politiques et sociaux en cours.
L’effet de levier de cette culture globale de la contestation constitue-t-il une réalité rêvée ou une réelle utopie ? Les masques sont-ils le présage d’une véritable révolution ou demeurent-ils, comme lors du carnaval, le visage ludique d’une affirmation de pouvoir événementielle, ancrée dans les mœurs ? Et qu’en est-il du pouvoir du masque comme miroir, comme caricature, à présent que les tenants du pouvoir sont de plus en plus anonymes et invisibles ? To Each His Own Mask nous offre, à brûle-pourpoint, une autre perspective sur les manifestations médiatisées d’un monde qui – à partir de courants idéologiques très divers – aspire toujours plus fort à du changement. Avec un regard critique, l’artiste remet en question la culture de contestation d’aujourd’hui et en dévoile des structures et des facettes plus profondes par le biais du mécanisme de masquage en tant que stratégie carnavalesque.